
Dans le processus de restauration de la démocratie à la base en Centrafrique, les médias jouent un rôle central que reconnaissent tous les acteurs. Seulement, la presse nationale est confrontée à la raréfaction des financements, ce qui lui impose une situation de précarité très avancée. Un défi que reconnaît Actions Médias et Développement (AMD), qui appelle à plus de financement en faveur des médias avant les scrutins électoraux de 2024.
La République centrafricaine est au tournant de son histoire, en ce sens que le pays s’apprête à organiser les élections locales, plus de 30 ans après que ces scrutins n’ont pas été organisés dans le pays. Tous les acteurs, qu’ils soient nationaux ou internationaux, reconnaissent que les médias ont un grand rôle à jouer pour que réussisse ce processus. Mais, comment les médias peuvent jouer efficacement leur rôle s’ils font face à une situation économique très précaire ?
«Aujourd’hui, les médias sont dépourvus de moyens. Toutes les organisations qui soutiennent naguère la presse locale afin de renforcer leur indépendance, je veux parler de Free Press Unlimited, Internews, CFI Médias, OIF, se sont toutes orientées vers de nouveaux horizons. Peut-être qu’ils ont désormais peu d’intérêts en République centrafricaine. Pourtant, c’est ici le laboratoire de la désinformation en Afrique », pointe Rocard Maléyo, journaliste factchecker centrafricain et Coordonnateur de l’ONG Actions Médias et Développement (AMD).
« Les élections locales arrivent à grands pas. On sait tous que dans la culture centrafricaine, les périodes électorales sont les moments cruciaux où toutes les machines sont mises en marche afin de désinformer, dérouter le public. Cela se traduit par la diffusion des fausses nouvelles sur les critères d’éligibilité, l’exclusion de certaines communautés ou encore la diffusion de faux résultats. Tout cela peut conduire aux situations de violence pré et post-électorale », analyse le journaliste.
« A l’opposé des médias qui prônent la liberté de l’information et la vérité des faits, nous avons les vecteurs de désinformation qui dispose d’importants moyens techniques et financiers. N’ayons pas peur des mots, la désinformation en Centrafrique est aujourd’hui institutionnalisée, c’est-à-dire très organisée que l’on ne le pense. C’est pourquoi nous plaidons pour que les bailleurs reconsidèrent leurs décisions en restaurant les financements au profit des médias libres et indépendants », conclut-il.
A quatre mois de la date prévue pour les élections locales alors que le fichier électoral n’est toujours pas révisé, l’Autorité Nationale des Elections (ANE) assure toujours pouvoir organiser ces scrutins à bonne date. Cependant, selon plusieurs observateurs, les populations ne sont pas encore suffisamment informées sur les échéances à venir. Un rôle que pourraient bien jouer les médias s’ils disposent de moyens afin de se déployer à travers tout le pays.
Ben Wilson NGASSAN