
Dans plusieurs marchés et quartiers de Bangui, des médicaments sont vendus sans régulation, souvent à ciel ouvert ou dans des kiosques non autorisés. Cette pratique expose les consommateurs à de graves risques sanitaires, en raison du manque de contrôle, de la mauvaise conservation des produits et de l’absence de cadre légal structurant ce secteur sensible.
Saint, un habitant du 4ème arrondissement, témoigne des dangers rencontrés : « Depuis mon enfance, j’ai appris à acheter mes médicaments en pharmacie. Chaque fois que je le fais, je n’ai presque jamais de problèmes. En revanche, quand j’achète chez les vendeurs à la sauvette, je tombe parfois sur des produits périmés. Acheter ailleurs, c’est risquer d’aggraver sa situation de santé». Son témoignage met en lumière une conscience croissante des risques, mais aussi une réalité : la pharmacie officielle n’est pas toujours accessible à tous, ce qui pousse certains à se tourner vers des solutions informelles, souvent par contrainte économique ou manque de proximité.
Au marché de Gobongo, Melom, vendeur dans une mini-pharmacie informelle, reconnaît ne pas disposer d’autorisation officielle du ministère de la Santé, mais affirme payer ses impôts. « J’achète mes médicaments au Cameroun, au Shalina ou au marché de KM5. Même sans autorisation, je paye mes taxes. J’ai aussi suivi une formation en santé, ce qui me permet de mieux conseiller mes clients. »
Cette situation révèle un flou juridique et un vide réglementaire : certains vendeurs s’improvisent pharmacien, sans véritable supervision, et malgré une volonté d’offrir un service « encadré », la légalité et la sécurité ne sont pas garanties.
Selon Roger Ngombe, biologiste et consultant au Laboratoire Santé pour Tous, les mauvaises conditions de stockage représentent un danger réel pour les patients : « Les médicaments ont chacun leur mode de conservation. Certains, comme le sérum anticytate, doivent être conservés au froid. Or, dans les pharmacies de fortune, cela n’est pas respecté. Le non-respect de la chaîne du froid peut altérer la composition du médicament, provoquer des effets indésirables et affecter gravement des organes vitaux. »
Cette négligence peut transformer un traitement en poison, et contribuer à l’émergence de résistances ou de complications médicales.
La vente informelle de médicaments n’est pas seulement une infraction réglementaire : c’est une menace directe pour la santé publique. Elle accroît les risques d’intoxication, de mauvais diagnostics, de traitements inefficaces, et fragilise le système de santé officiel, qui peine déjà à répondre aux besoins de la population. Elle met aussi en péril la confiance entre patients et professionnels de santé qualifiés.
En l’absence d’une réponse ferme des autorités, ce marché parallèle continuera de croître, avec des conséquences potentiellement dramatiques pour des milliers de citoyens. La régulation, la sensibilisation du public et la création d’un cadre légal adapté sont désormais des priorités urgentes pour protéger les vies humaines.
Lebonheur YEMBE-GANA (RAVOCI)