
À Bangui, les coiffures adoptées par de nombreux jeunes garçons suscitent débats et jugements. Bien au-delà d’un simple choix esthétique, le style capillaire devient un véritable langage identitaire, une façon pour la jeunesse d’affirmer sa personnalité, sa créativité et son appartenance à une génération moderne. Dans les quartiers, les écoles, les maisons et surtout les lieux de culte, le style de coiffure des jeunes continue d’être mal perçu. Pour beaucoup d’adultes, certaines coupes comme le « tayper », le « deux temps » ou les « locks » sont associées à la délinquance ou à un comportement irresponsable. Cette perception génère une stigmatisation constante à l’égard de ceux qui les portent.
Judicaël Wassio, jeune habitant du quartier, en fait l’amère expérience : « Moi, j’ai choisi ce style de coiffure parce que c’est ce que j’aime. Beaucoup de jeunes l’adoptent pour se sentir beaux. Malheureusement, les anciens de notre quartier sont contre. Pour eux, ce style est réservé aux délinquants. »
Ces jugements deviennent un poids social pour de nombreux jeunes, les forçant parfois à se justifier ou à renoncer à un élément important de leur construction personnelle.
Au marché de Gobongo, Michel arbore fièrement sa coupe « tayper », malgré les critiques récurrentes. Pour lui, changer de coiffure reviendrait à nier une partie de lui-même : « Quand j’étais plus jeune, je portais déjà ce style, et tout le monde me critiquait. Aujourd’hui, j’en suis fier, car elle reflète mon identité. Peu importe ce que les gens diront, je préfère la garder. »
Comme Michel, beaucoup de jeunes voient dans leur coiffure un acte d’affirmation : une manière de se sentir bien dans leur peau, de marquer leur appartenance à une génération et de revendiquer une liberté de choix.
Pour Jospin, coiffeur installé près du croisement de l’Enerca à Gobongo, ces styles reflètent simplement l’évolution des tendances : « Nous réalisons tous types de coupes : deux temps, pelouse, tayper, locks… Ce sont des styles très appréciés par les jeunes. Quant aux anciens, ils préfèrent conserver leurs coiffures traditionnelles. Actuellement, les nouvelles tendances capillaires dominent clairement chez la jeunesse. »
Les salons de coiffure deviennent ainsi des espaces d’expression artistique et identitaire, où les jeunes peuvent créer un style qui leur ressemble.
Réduire un jeune à sa coiffure, c’est ignorer son histoire, ses choix, son individualité. Les préjugés liés aux styles capillaires renforcent une fracture générationnelle et créent une incompréhension nuisible à la cohésion sociale. Dans une société en mutation, il est urgent de reconnaître que l’apparence ne définit ni la valeur ni le comportement d’un individu.
Apprendre à accepter la diversité des expressions personnelles, y compris à travers la coiffure, c’est aussi permettre à la jeunesse de s’épanouir sans peur du rejet. C’est surtout, en tant que société, faire un pas vers plus de tolérance et de respect des identités multiples.
Par Lebonheur YEMBE-GANA (RAVOCI)