
La ville de Berberati, chef-lieu de la Mambéré-Kadéï, est confrontée à une situation sans précédent. L’axe routier reliant le centre-ville à Baba Sallao, en direction de Carnot, s’est brutalement fissuré, laissant place à une large fracture qui rend la circulation impossible. Cette coupure, qui dure depuis plus de trois semaines, provoque une onde de choc au sein de la population, tant par sa gravité que par ses conséquences immédiates.
Ce tronçon n’est pas simplement une route : c’est une artère vitale pour la vie économique locale. Chaque jour, des dizaines de petits commerçants, d’agriculteurs, de transporteurs et de conducteurs de taxis-motos l’empruntent pour accéder au marché, livrer leurs produits, se rendre à l’hôpital ou accompagner leurs enfants à l’école. Aujourd’hui, tout est à l’arrêt.
« On ne peut plus passer. Même les débrouillards qui vendent au marché sont bloqués. Nos activités sont paralysées », témoigne Nourou Bako, un commerçant.
L’impact socio-économique est lourd. Le commerce local, déjà fragilisé par la conjoncture, subit un nouveau coup dur. Les produits frais n’arrivent plus à temps au marché, les prix commencent à grimper, et certaines denrées se font rares. Des familles entières, dépendantes de ces échanges quotidiens, voient leurs revenus s’effondrer du jour au lendemain. Les élèves peinent à rejoindre leurs établissements, et l’accès aux soins devient un défi pour les malades vivant dans les quartiers désormais enclavés. Les habitants sont obligés de faire un long détour en passant par le quartier Sava 2, devant l’église des Témoins de Jéhovah de Berberati.
Autrefois, les habitants avaient construit un pont facilitant le trajet. Malheureusement, la route s’est fissurée. À l’origine, ce sont les déchets, déversés par les habitants lors de la traditionnelle activité Kwa ti Kodoro puis brûlés, qui ont causé le problème. Le pont, soutenu par des billes de bois recouvertes de sable pour le rendre praticable, a vu sa structure affaiblie par le feu qui a consumé le bois, provoquant ainsi la fissure actuelle.
Au-delà des difficultés matérielles, c’est un sentiment d’abandon qui gagne les esprits. Achille Ndiba, candidat malheureux aux dernières élections législatives et habitué à soutenir financièrement les habitants des 2e et 3e arrondissements pour réparer ce pont, se dit cette fois impuissant. Il lance un appel à l’aide au gouvernement.
Ce drame met en lumière une réalité persistante dans les villes de province qui est le délabrement des infrastructures routières, souvent négligées, faute d’investissements ou de suivi régulier. À Berberati comme ailleurs, les routes se dégradent sous l’effet du temps, des pluies, et de l’absence d’entretien, sans qu’aucun plan structurant ne soit mis en place.
Berberati vit un moment critique. Mais cette épreuve peut encore être transformée en un signal d’alerte salutaire, si une prise de conscience collective permet d’engager rapidement des mesures concrètes et durables pour restaurer la voie et éviter qu’un tel drame ne se reproduise ailleurs.
Par Mahamat Idriss YAKEZIS