
À Zémio, dans l’extrême Sud-Est de la République Centrafricaine, un silence inhabituel s’est installé. Les micros de la radio communautaire BERASSA sont éteints. Les studios sont déserts. Les voix qui rythmaient le quotidien des habitants ne résonnent plus. Ce silence n’est pas un choix éditorial ni une pause technique. Il est né d’une peur soudaine, brutale. Il est né d’une fuite.
Le 4 juin 2025, à l’aube, les forces de défense et de sécurité font irruption dans les locaux de la radio. Une fouille musclée, sans mandat ni explication claire. Les journalistes sont interrogés, le matériel est inspecté, et la moto personnelle d’un membre de l’équipe est saisie. Une intrusion qui choque et terrorise l’ensemble du personnel.
Grâce à l’intervention du commandant de région et à la médiation rapide de la MINUSCA, la moto est restituée dans la journée. Mais l’essentiel est déjà brisé : le sentiment de sécurité. « Ce n’était plus une menace voilée. C’était un avertissement direct », confie un journaliste sous couvert d’anonymat. « On savait que si on restait, on risquait nos vies. »
Le lendemain, le 5 juin, la décision tombe : quitter Zémio. Quitter la radio. Traverser la frontière. Trouver refuge en République Démocratique du Congo. L’équipe abandonne tout, emportant avec elle l’espoir de pouvoir un jour reprendre le micro.
À Zémio, l’impact est immédiat. L’absence de la radio se fait cruellement sentir. « C’est comme si on nous avait arraché la bouche », témoigne Joseph, un auditeur fidèle. « Radio BERASSA, c’était notre école, notre cri, notre miroir. Maintenant, on est seuls avec les rumeurs. »
Le Réseau des Médias Communautaires de Centrafrique (RMCC) a rapidement réagi, dénonçant cette attaque contre la liberté de la presse. Dans un communiqué, il salue l’action de la MINUSCA mais interpelle également le Haut Conseil de la Communication (HCC), appelant à une protection réelle et effective des médias, même dans les zones les plus isolées du pays.
Ce qui s’est passé à Zémio n’est pas un cas isolé. C’est le symptôme d’un climat de plus en plus hostile envers les radios communautaires, ces voix locales qui jouent un rôle essentiel dans l’information, la paix et la démocratie. Ces médias de proximité traduisent la vie des villages oubliés, relaient les urgences sociales, et offrent une tribune aux sans-voix.
Aujourd’hui, Radio BERASSA n’émet plus. Mais son silence résonne comme un cri d’alerte. Un appel à défendre ceux qui, chaque jour, prennent la parole pour les autres. Car lorsqu’une radio est forcée à l’exil, ce n’est pas une défaite. C’est une autre forme de résistance. Un combat pour continuer à exister, même de l’autre côté de la frontière.
Par la rédaction RAVOCI